Tierce-recherche citoyenne

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Extrait du journal Le Monde :

"Un ensemble d’acteurs de la recherche, encore méconnus, veut profiter de la future loi de programmation pluriannuelle de la recherche (LPPR) pour se consolider. Il s’agit du « tiers secteur de la recherche », qui, comme le tiers état, décrit tous ceux qui n’appartiennent pas aux deux géants bien connus, le pôle public d’enseignement supérieur et de recherches (universités, organismes…) et la recherche industrielle.

Il s’agit d’associations, de collectivités locales, de coopératives… qui produisent de la connaissance et innovent. Par exemple, une application pour téléphone de découverte de la botanique (Smart’Flore), une collaboration entre une association et un laboratoire pharmaceutique sur l’étude du cancer (Epidemium), le développement d’une variété de blé bio avec partenariat entre agriculteurs et un organisme de recherche, un outil de mesure de la radioactivité et de partage des mesures (OpenRadiation)…

Le 20 janvier, à l’Assemblée nationale, ces acteurs tenaient un colloque pour porter leurs 17 propositions à inclure dans la LPPR. La première est évidemment de reconnaître ce tiers secteur comme faisant partie du paysage de la recherche. D’autres mesures visent à le soutenir par des conventions de thèse Cifre entre laboratoire public et ces acteurs, des fonds déjà existants, le développement de tiers lieux tels les fab lab… La création d’un observatoire de ce secteur est également demandée."

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Lettre d'information #5 - Juin 2020



L’écueil est visible de notre difficulté à comprendre ce qui (nous) arrive : la crainte de ne pas être capable d’affronter collectivement (donc politiquement) le défi des résiliences humaines, sociales, économiques, écologiques, mais aussi institutionnelles et constitutionnelles. Lorsque les mots de « relance » sortent du placard, un vague spectre du monde d’avant, mais en pire, prend forme. La peur des changements profonds attise les risques systémiques qui semblent s’annoncer. Difficile de penser contre soi-même, de se décentrer aussi. Toutefois, la capacité de réaction, d’inventivité et de solidité de la société pendant la crise de la Covid-19 fut notre atout-maître. Si la puissance publique, notamment hexagonale, changeait enfin de logiciel et démontrait sa confiance en ses concitoyens, à rebours d’une infantilisation anachronique, cela nous ferait des vacances 100% dé-con-fi-nées !


Agenda de rentrée. C’est désormais quasi certain : les Assises du tiers secteur de la recherche se dérouleront à Rennes du 29 novembre au 1er décembre 2020 au couvent des Jacobins. Les coordinateurs tiendront un séminaire de préparation et une conférence presse, à Rennes, en octobre, en compagnie des 180 organisations ayant participé aux séminaires préparatoires. Quant au conseil stratégique et d’orientation, il tiendra sa séance en septembre au Cnam. Bref, tout est sur les rails !


25 milliards : pour quoi faire ? Quel tempo surprenant ! Au début de la crise sanitaire, la ministre de la recherche, de l’enseignement supérieur et de l’innovation, Frédérique Vidal, annonçait – via une dépêche AEF �� un effort cumulé de 25 milliards d’euros sur 10 ans, soit 10 fois ce qui était évoqué fin 2019. Au-delà de l’annonce, dont il faudra vérifier la véracité dans les faits, on peut constater une contradiction entre, d’une part, le principe annoncé par le premier ministre qui voulait que la prochaine loi de programmation ne soit pas thématique et donc ne privilégier aucun champ ni domaine, et, d’autre part, cette annonce faisant la part belle, outre à l’attractivité des carrières et à la dotation de l’ANR, à « la santé globale ». Faut-il attendre, par exemple, 30.000 morts lors d’une prochaine canicule pour mieux orienter et programmer les sciences du climat vers l’action ? L’ouverture du système actuel de recherche au tiers secteur de la recherche, est, elle une nécessité stratégique à court, moyen et long terme. Rien n’indique que la ministre et son administration aient entendu le message à ce jour, malgré des promesses et une intervention de la ministre en ce sens à l'assemblée nationale en décembre 2019, à l’occasion du débat parlementaire portant sur le projet de loi de finance 2020.



Agnodice et le microbiote vaginal. Comment « mieux connaître ce qui se passe en bas » ? Agnodice est un collectif féministe qui contribue à la (ré)appropriation par les femmes des savoirs scientifiques les concernant et à la production collective de connaissances, hors des structures de recherche traditionnelles. Les ateliers « mâte ton microbiote » consistent en l’auto-prélèvement et l'observation en laboratoire de la composition de leur microbiote vaginal par les femmes elles-mêmes, via la technique de la coloration de Gram. Ces ateliers permettent à chacune de s'emparer des savoirs scientifiques existants, de confronter les connaissances scientifiques avec leurs expériences vécues, et de contribuer à la production de nouvelles connaissances. Car la santé des femmes au quotidien est loin de constituer une priorité dans la recherche en santé. Ainsi, des jeunes chercheuses, soucieuses autant de bonnes conditions de travail que de l’émergence d’une nouvelle communauté recherche, vont entamer leurs travaux au sein d’un lieu de recherche ouvert en plein Paris. Comme un espace de liberté de la recherche retrouvée ! Il s’agit ni plus ni moins que de déterminer les facteurs qui pourraient influencer la composition du microbiote vaginal grâce aux données sur les rapports sexuels, les contraceptifs oraux, la prise d’antibiotiques ou encore les types de protection menstruelle.


LILAS : vers un Open Lab de l’IRSN ? Autour d’Olivier Laurent, chercheur à l’IRSN, et du service de l’ouverture à la société de ce même institut, des acteurs académiques et non académiques préfigurent l’Open-Lab LILAS (LIving LAbs et autres approches pour l’ouverture à la Société appliquée à la recherche sur les risques chroniques). Constatant le besoin d’élargir et d’ouvrir la réflexion, ce travail se fonde sur une expertise pluraliste sur les expositions multiples et les risques chroniques associés. Cette approche, regroupant au sens large des « méthodes de recherche en innovation ouverte visant le développement de nouveaux produits et services », permet d’aborder des questions complexes, interdisciplinaires, par le biais de méthodes plus souples. Une publication est en cours de parution. Rendez-vous à l’automne pour les premières pierres�


La crise de la Covid-19 a montré certains loupés dans la démocratie sanitaire à la française : de la composition du conseil scientifique en passant par la trop faible mobilisation des expertises locales. Or, la loi Kouchner de 2002, si elle ambitionnait d’instaurer une dose de culture démocratique dans le système de santé hexagonal, n’a pas accéléré les évolutions autant que prévu. 20 ans plus tard, le cadre institutionnel avance à pas trop lents. Pour autant, l’action de l’ANRS, créée en 1988, montre la réussite des financements des collaborations de recherche avec et pour la société. Autant dire que les expériences majeures dans le champ de la santé depuis 30 ans devraient inspirer tous les autres domaines de recherche. De la démocratie sanitaire à une démocratie scientifique et technique, tel pourrait être un des mots d’ordre des Assises de Rennes.


L’orientation pluraliste de la recherche. Depuis 10 ans, lorsqu’on évoque les recherches citoyennes et participatives, le débat se concentre sur les « recherches en train de se faire ». Négligeant les aspects d’orientation et de programmation des politiques publiques de recherche en France comme en Europe, les promoteurs des recherches citoyennes ou participatives négligent cet angle plus large. Il ne s’agit non seulement de financer des projets de recherche, mais de modifier le cadre général pour qu’il en facilite la mise en place. Depuis plus de 10 ans, dans le prolongement du Grenelle de l’environnement, plusieurs institutions françaises tentent d’avancer sur une orientation pluraliste de la recherche : l’IRSN, l’INERIS, l’INRAE et la Haute Autorité de la Santé. Une thèse a été lancée, fruit d’une coopération entre l’INERIS et l’IFRIS. Nous attendons ses résultats et analysent avec impatience pour la fin de l’année 2020.


La déclaration mondiale sur l’enseignement supérieur pour le XXIe siècle de l’Unesco du 9 octobre 1998. 3 ans après la création de l’Organisation mondiale du commerce, s’achevait à Paris une longue négociation sur les visions et les défis de l’ESR dans le monde. Sous l’animation magistrale du brésilien Marco Antonio Dias, alors directeur de l’ESR à l’Unesco, avec le soutien de personnalités comme le togolais Francisco Seddoh ou encore le fonctionnaire international roumain Dumitru Chitoran, cette déclaration � trop méconnue aujourd’hui � fondait sa logiogique sur un concept dual : excellence & pertinence. Alors que, depuis, la notion d’excellence est devenue délétère, il est bon de se rappeler qu’hier, à peine, des esprits clairvoyants ouvraient la porte à une meilleure intégration des systèmes et politiques publiques d’ESR avec les situations et contextes sociaux, politiques et économiques de nos pays.


Les 3 niveaux des politiques publiques de recherche et d’innovation. Schématiquement, les politiques publiques de recherche sont une fusée à 3 étages : orientation, programmation, action. Or, si l’orientation des politiques publiques et les formes de programmation des établissements et organismes nient le besoin d’ouverture à la société (élargir les problématiques, favoriser des visions dissonantes, faire évoluer dans ce sens les modèles épistémologiques, reconnaître toute la société comme sujet du système de recherche), si les politiques et agences renoncent à de telles orientations, le mode de développement qui domine aujourd’hui demeurera insoutenable. Si, à leur tour, les acteurs ne font pas pression, par le bas, en faveur de telles évolutions, rien ne changera non plus. En ce sens, la valorisation et la reconnaissance des co-recherches va de pair avec leur « mise en politique ». Les Assises du tiers secteur de la recherche (TSR) constituent de ce point de vue un jalon, en ce sens qu’elles ciblent, outre le développement des collaborations de recherche elles-mêmes, les synergies « institutionnelles » et les évolutions des politiques publiques sans lesquelles le cadre n’est ni ne sera favorable.


Comme annoncé dans la lettre d’information de mai, la Loi de programmation pluriannuelle de la recherche (LPPR) sera présentée en conseil des ministres le 8 juillet. Par dépêche AEF du 7 juin, le texte est désormais connu : vous pouvez le télécharger ici (rapport annexé compris). Comme toute loi de programmation, il repose essentiellement sur son article 1 : le budget. 25 miliards d’effort sur 10 ans, c’est colossal. Mais dans l’optique des assises du tiers secteur de la recherche, trois sujets nous préoccupent : l’ouverture à la société du système français de recherche et innovation ; le financement de toutes les parties prenantes à la hauteur des enjeux ; enfin, un cadre institutionnel propice aux coopérations entre toute la société et le pôle public d’ESR. Le ministère a refusé toute évolution dans ces domaines. À rebours des discussions depuis 13 mois, persiste une vision réactionnaire et infantilisante de la société, assignée à son ignorance supposée, pas à sa maturité que tous les faits confirment. En se focalisant sur les penchants irrationnels, sur les risques des fake news, on en vient à occulter un fait connu mais dérangeant, y compris depuis les années 1930 : les fake news les plus nocives sont celles qui viennent « d’en haut », l’agnotologie ayant été, par exemple dans le domaine du tabac ou du négationnisme climatique le fait de biologistes ou de physiciens en errance, pas « des gens ». À irrationnel, irrationnel et demi. Mais il est tellement plus confortable de diffuser des pensées démagogiques que de penser le monde tel qu’il est. Le ministère de la recherche prendra-t-il les quelques semaines qui lui restent pour infléchir cette vision du monde d’avant-hier